2003 L’acteur dit: Bâtie GENÈVE, LAUSANNE, NEUCHÂTEL

Orélie Fuchs Chen · L’acteur dit: *

Musique originale du spectacle « L’acteur dit: » pour choeur de comédiens…

©Jacques Demierre, 2003

La Bâtie Festival

Un grand merci à la Comédie de Genève et au Festival de la Bâtie qui ont produit le spectacle, à l’Arsenic de Lausanne qui a accueilli la création de la deuxième forme du spectacle (dans sa grande salle) et a présenté celle-ci au public lausannois; et enfin, au CCN de Neuchâtel qui a accueilli le spectacle dans sa troisième et dernière forme, en ses murs.

2003

Bâtie-Genève / L’acteur dit:

avec Shin Iglesias, Pierre-Isaïe Duc, Delphine Rosay, Max Hermann, Théo Léma, Prune (l’âne)

OU IL EST PROUVE QU UN ANE REVEUR PEUT AUSSI FAIRE L’ACTEUR

Plasticienne de formation, la jeune Orélie Fuchs signe « L’Acteur dit » à la Bâtie, méditation autour d’un théâtre défait.

L’âne est l’aiguillon du critique, au T50 à Genève, du moins. Son complice en rêverie même. A condition bien sûr que la bête ne soir pas bâtée. Extase asinienne en préambule? Certes pas. A la Bâtie, dans ce théâtre à peine moins exigu qu’une écurie, l’âne Prune promène, avec une nonchalance souveraine, sa robe mélancolique et ne craint aucun tête-à-tête avec le spectateur. Il avait même l’autre soir des tendresses herbivores qui ont laissé de douces morsures sur le poignet et la plume du soussigné.
Amour de poil et de plume, d’accord, mais pas anecdotique. Tout, dans L’Acteur dit signé et mis en scène par la jeune plasticienne Orélie Fuchs, évoque cette quête d’un contact perdu – avec soi-même, avec l’autre aussi. Non qu’il s’agisse de faire la leçon au spectateur. L’invitation est d’une autre nature: les comédiens Delphine Rosay, Pierre-Isaïe Duc, Shin Iglesias et l’enfant Max Hermann (ou Théo Lema en alternance), suscitent, d’une scène décousue à l’autre, des petites fictions de communauté. Un couple « cellophané » ici, une variation diététique autour du voluptueux Déjeuner sur l’herbe de Manet, une paire d’acteurs, en proie à l’angoisse de la fin, au terme de la représentation. Autant de profession de doute.

Au coeur de ce dispositif disloqué, Prune joue évidemment son rôle. Il s’inscrit dans une poétique de la diversion – pardon pour le pédantisme. Le théâtre n’est plus affaire de fiction chez Orélie Fuchs – thèse qui n’a rien de renversant. Mais il trouve refuge, à l’état embryonnaire, dans les bordures du texte, dans les à-côtés du drame, dans ces objets qui défilent dans la boîte en carton mouvante imaginée, en guise de décor, par Cathy Karatchian.

Bref, Orélie Fuchs s’expose, mais en creux et en morceaux, d’un tableau passager à l’autre, manière de rendre partageables ses désenchantements qui ne sont pas synonymes de renoncements. Propos attachant, mais dommage que cet Acteur dit, fruit d’une résidence d’écriture à la Comédie de Genève, cède à la complaisance: maniérisme naïf dans le jeu tantôt, verbosité irritante à d’autres moments, dilatation de la pièce. des maladresses qui ne masquent pas l’essentiel: l’univers d’Orélie Fuchs est rugueusement aimant.

Le Temps, Alexandre Demidoff, septembre 2003

2003

L’arsenic-Lausanne / L’acteur dit:

Comme des oiseaux sans ailes

L’Arsenic accueille la seconde version de L’acteur dit, d’Orélie Fuchs

CRITIQUE La première version de L’acteur dit: a été créée en septembre dernier au festival de la Bâtie-Genève dans un tout petit espace. La seconde a vu le jour jeudi passé dans la grande salle de l’Arsenic à Lausanne. N’ayant vu que celle-ci, on s’abstiendra de toute comparaison. On ne boudera pas, en revanche, le doux plaisir procuré par cette équipe, emmenée par Orélie Fuchs qui signe le texte et la mise en scène. Un spectacle comme un voyage intime, mélangeant les arts, avec sa part de cocasseries poétiques et sa part d’interrogations sur la folie du monde.
Cela saute du coq à l’âne, en quelque sorte. Pas de coq sur scène, mais un âne, oui. Ou plutôt une ânesse répondant au joli nom de Prune. Elle fait de la figuration active, quoique trop parcimonieuse. Figuration encore avec Camille Fuchs, en chemise de nuit dans un lit très convoité par des camarades très joueurs. Ils sont quatre: Shin Iglesias, Delphine Rosay, Pierre-Isaïe Duc et Max Hermann (ce dernier en alternance avec Théo Lema), angélique enfant dont le rôle, omniprésent, l’amène à composer, très bien, une sorte de conscience mutine, avec ou sans mégaphone, des autres personnages.

C’est du moins comme ça qu’on l’a compris. Et peu importe si ce n’est pas la vérité de la prometteuse Orélie Fuchs. Elle a ses mots à dire et offre ainsi son univers, ses voisins et ses sentiments, à propos des acteurs, de leurs corps, de leurs liens avec la scène ou les objets du quotidien. A l’Arsenic, il y en a des dixaines (du frigo à la chaîne hi-fi), bric-à-brac évoquant la vie ordinaire comme les effets spéciaux du théâtre. L’écriture tient du zapping, la fable du puzzle: à chacun de mettre les morceaux à la place qu’il veut, dans sa mémoire ou à la poubelle. Tout n’est pas original ni maîtrisé, mais tout respire la sincérité. On y parle d’incompréhension, de consommation, mais surtout des doutes et des rêves des êtres humains, ces oiseaux sans ailes, si vulnérables mais libres quand ils le veulent grâce à leur imagination.

24 heures, Michel Caspary, septembre 2003

2003

CCN-Neuchâtel / L’acteur dit:

THEATRE

L’écriture d’Orélie Fuchs

« Pièce pour trois comédiens, un enfants et un âne, écrite et jouée en laissant la porte entr’ouverte sur la fabrique même de la fiction, justifiant le recours à l’illusion théâtrale« , explique Orélie Fuchs, jeune auteure neuchâteloise. Sa pièce « L’acteur dit » sera donnée vendredi et samedi à 20h30, au théâtre du Pommier, à Neuchâtel.

« Représentante à coup sûr de la garde montante du théâtre romand« , dit d’elle Patrice Neuenschwander, délégué culturel de la Ville, Orélie Fuchs, 25 ans, a grandi à Cortaillod. Elle a obtenu un bac littéraire au lycée Denis-de-Rougemont avant d’entreprendre des études à l’Ecole supérieure des beaux-arts de Genève. Elle a reçu en 2001 le prix du Fonds cantonal genevois de décoration et d’art visuel, avant de séjourner six mois à Bruxelles grâce à une bourse octroyée notamment par la Ville de Neuchâtel.

« Magnifique matériau« 

Orélie Fuchs résume ainsi le propos de »L’acteur dit » : « Parler de la consommation, du zapping, de la communication. Montrer des êtres dans leur proximité avec les objets. Ecrire des dialogues de gens qui nous ressemblent. Rendre sensible le besoin des êtres en cette circonstance. »

« L’acteur dit » a été écrit en résidence à la Comédie de Genève et monté cet été au festival de la Bâtie, dans cette même ville, et a été salué par les critiques de la presse lémanique. « Le hasard m’a portée vers le théâtre. Parce que mes mots étaient venus s’inscrire dans l’espace, le théâtre soudain me proposait le plus magnifique matériau pour cela: l’humain, sa voix, son corps« , écrit Orélie Fuchs.

aca/ Alexandre Caldara

Orélie Fuchs

Forte de sa jeunesse, l’auteur neuchâteloise crée à Genève «L’acteur dit:»

C’est sa première pièce qu’elle met en scène pour le festival de la Bâtie. Portrait.

Vingt cinq ans. A cet âge-là, on ne sait pas si on est mûr. Mais au fond, qu’est-ce que la maturité? Question que l’on ne peut s’empêcher de poser à Orélie Fuchs, jeune auteur dramatique à la voix chevrotante, prise, comme ses joues rougies, par l’émotion de devoir défendre «L’acteur dit…». Une pièce qu’elle a écrite et qu’elle monte pour le festival de La Bâtie, à Genève.
Ce n’est pas peu que d’être invitée à présenter son premier spectacle dans le cadre du plus important festival pluridisciplinaire romand. Cela peut vous couronner de lauriers comme d’épines. Vous ouvrir toutes les portes ou vous les fermer.
Orélie Fuchs le sait. Mais une inconscience de jeunesse semble la protéger de toute angoisse et de toute crainte. «Je ne sais pas si je suis mûre, lâche-t-elle dans un sourire. J’espère d’ailleurs ne l’être jamais, car alors j’arrêterai d’exercer le métier d’artiste».
Orélie Fuchs est sculptrice. Neuchâteloise, elle a débarqué à Genève il y a cinq ans pour y faire ses études à l’Ecole supérieure des Beaux-Arts. C’est là qu’elle s’est exercée (involontairement) à l’écriture «en inscrivant, comme elle dit, des textes dans l’espace».
Pour son diplôme de fin d’études, elle avait ainsi écrit dans l’épaisseur des murs de l’Ecole un texte de son cru que l’on pouvait lire à partir de la fin en grimpant les escaliers, du premier au quatrième étage. Le tout restait donc à reconstruire dans la tête du lecteur.
Originale démarche qui annonçait déjà son écriture éclatée, pratiquée dans «L’acteur dit…», pièce qui procède par flashs. Flashs de paroles prélevées non pas dans le tissu de la vie, mais dans le maelström des sensations.

«Le concret m’assomme»

C’est ce qu’avoue Orélie Fuchs, qui préfère rêver. Rêver en créant le vertige, en creusant la distance entre le physique d’une personne et ce qu’elle dit.
«Dans la pièce, poursuit l’auteur, je ne raconte pas une histoire; je n’aime pas ça. Peut être qu’un jour je le ferai. Mais pour l’instant, ce qui m’intéresse, c’est essayer de montrer ce qui se passe au-delà de la réalité. Tout ce qui advient dans l’existence sans qu’on puisse le formuler».

Swissinfo, Ghania Adamo, 3 septembre 2003

âne