2005 Foudre (comme le silence du monde), Genève, Neuchâtel

Affiche

Un grand merci à la Ville et au canton de Genève sans qui le spectacle n’aurait pas pu voir le jour.

NUIT BLANCHE THEATRALE ET ANIMALE A GENEVE

La jeune Orélie Fuchs signe « Foudre », beau conte en mille morceaux poétiques joués par Delphine Rosay
sous les yeux d’un ours polaire.

A franchir le seuil du T50 à Genève, on est six spectateurs à peine au crépuscule, en ce jour de printemps. A l’entrée, une jeune femme
solide et rêveuse déchire les tickets. Ses yeux bleus disent: « Merci d’être là. » C’est Orélie Fuchs, l’auteur de Foudre (comme le silence du monde), une plasticienne neuchâteloise qui aime les acteurs. Une heure après, à la sortie d’un spectacle en forme de nuit blanche, c’est
à notre tour de lui dire « merci » du regard. Elle et sa comédienne Delphine Rosay offrent un moment qui leur ressemble: des paysages intérieurs sur un plateau de cire, un conte d’hiver qui prémunirait du grand froid, avec un ours polaire hébété sur scène et un tube
de pub anglais en apothéose.

Les poèmes scéniques d’Orélie Fuchs se construisent à la croisée des genres. Entre étable et encrier gorgé de doutes. A la Bâtie en 2003,
elle dirigeait trois acteurs, au T50 déjà, et hébergeait dans cette salle grande comme une chapelle un âne, libre de s’épancher d’une rangée
à l’autre pendant le spectacle. Elle avait titré cet essai L’acteur dit. Le dispositif scénique était à l’image de l’écriture: surchargé d’effets
au point d’en paraître oiseux.

En regard de cet opus, Foudre touche par sa justesse de ton. Sur scène, Delphine Rosay brode comme à la veillée un roman: une histoire équestre avec deuil sur la glace. Elle invite surtout à feuilleter le bréviaire laïque de l’auteur, des ordonnances en série qu’on ferait
volontiers siennes: « Penser à Joseph Beuys et à ses coyotes », « Trouver un système de glace sans tain pour voir mon âme au matin. »

A la fin, il se passe ceci: l’actrice meurt en douce, bras en croix, à un coup de patte de l’ours empaillé. Elle rit intérieurement.
Des flammèches grésillent. Une chanson anglaise pousse à la gigue. Tout est joie. Foudre a une âme et c’est précieux.

Foudre, Genève, T50, ruelle du Couchant 11, à 19h, sauf di à 17h, jusqu’au 24 mars.

Le Temps, Alexandre Demidoff, publié mardi 22 mars 2005